Dans le quartier de Tatalon, dans la métropole de Manille, le feu s’est ajouté aux inondations. Suite au typhon Ketsana (Ondoy en Filipino), « l’eau est montée jusqu’à 3 mètres de hauteur», nous révèle un des habitants, « les gens se réfugiaient sur les toits». La majorité des habitants de ce bidonville s’entassent dans des maisons à deux étages, en bois, taule et ciment pour les plus riches. 95% des habitations ont été touchées. L’inondation a détruit l’essentiel de leurs biens et ils ne leur reste plus d’argent. Ils manquent cruellement d’eau, de nourriture et de soins. L’eau souillée stagnante, les détritus, les débris calcinés s’accumulent, sans réelle aide du gouvernement. En effet, celui-ci n’a pas les moyens d’aider les 1,94 millions de sinistrés (92 millions d’habitants aux Philippines). Les associations se focalisent sur d’autres quartiers de Manille ayant été plus durement touchés), notamment par des coulées de boue.
Cependant à Tatalon, 546 habitations ont brûlé suite à un incendie dû à la chute des fils électriques. « Les fils électriques sont mis n’importe comment et ne sont pas à une hauteur suffisante. Quand le vent souffle, ils touchent même les maisons », nous explique Grace, membre d’Inner City Development Cooperative (ICDC), une association aidant les familles pauvres et les petites entreprises du village en leur accordant des microcrédits. Le responsable du quartier nous fait rentrer dans sa maison, la seule qui n’a pas été touchée par les flammes. La vue du troisième étage, le spectacle est terrible : Les maisons aux alentours sont entièrement calcinées, il ne reste plus que des murs, en ciment, noircis par les flammes, à moitié détruits. Chris, le propriétaire de la maison, nous raconte : « En plus de la montée des eaux, tous les bâtiments étaient en flamme sauf le grand hangar où les habitants se sont refugiés sur le toit. Deux enfants sont tombés du toit. Ils sont morts électrocutés ».
En poursuivant notre marche dans ce quartier profondément traumatisé, nous voyons un vieil homme allongé dans les bras de ses enfants, une sonde respiratoire dans le nez, ses yeux exorbités nous fixent, ses mains se raidissent et serrent le bras d’un de ses fils. « On n’a pas d’argent pour consulter un médecin de quartier, ni pour payer l’hôpital ». Ils le rentrent dans leur habitation en taule et bois.
Les témoignages poignants continuent. Au fond d’une allée, une mère, au visage fermé, impassible, nous dit qu’elle a perdu deux de ses cinq fils, 9 ans et 19 ans. Ils sont toujours portés disparus. N’ayant plus du tout d’argent, l’ICDC lui donne 500 pesos (7,50€) pour qu’elle se rende au centre de collecte des corps. Elle n’a pas retrouvé ses deux fils. D’autres résidents, habitant près de la rivière Pasig, nous racontent : «Des personnes se faisaient emporter par le courant. Nous sommes restés impuissants ».
Cependant, à Tatalon , la mort s’est entremêlée à la vie : une jeune femme a accouché, durant le passage du typhon, au second étage de sa maison alors que le rez-de-chaussée était inondée. Sa grand-mère nous raconte : « Il y avait ni médecin, ni sage femme. Nous avons fait accoucher ma petite-fille sur la table et coupé le cordon ombilical. L’accouchement s’est bien passé mais elle n’a pu voir un médecin seulement deux jours après. Le bébé va bien ».
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