La situation évolue à Tatalon. Nos opérations de court terme touchent à leur fin. Une grande joie d'avoir réussi à faire tout cela. Un grand soulagement d'avoir pu aider ces hommes, ces femmes et ces enfants dans un besoin urgent de nourriture, d'eau, de médicaments et de conditions sanitaires décentes . Cela tient au miracle. Nous avons obtenu environ 20 OOO€ et avons dépensé environ 6 OOO€. Le solde va être utilisé pour annuler les dettes des membres d'ICDC, ayant contracté des prêts auprès des membres de Babyloan, qu'ils ne peuvent pas rembourser. ICDC a besoin de 1,8 million de pesos, environ 27 OOO€ pour relancer l'activité auprès de 900 familles (2 000 pesos par famille).
Le nettoyage de la zone est en cours, cela avait débuté mardi dernier. Le nettoyage a duré toute la journée et a été efficace. Même avec des camions poubelles, même avec une pelleteuse, même avec 50 volontaires de la Croix Rouge Philippine et du quartier et même 100 policiers de la ville, la tâche est énorme et seulement une rue a été nettoyée. Pas de nettoyage mercredi et jeudi car la Croix Rouge ne pouvait nous fournir les camions poubelles. On continue finalement vendredi, samedi et lundi sans camion, en remplissant des sacs de riz de 50kg pour que le jour (un jour peut être) où les camions poubelles passent, ils n'aient juste qu'à prendre les sacs et le bois mis en tas. 17 volontaires de la Croix Rouge sont venus vendredi avec un renfort d'une vingtaine d'enfants et de femmes de la rue, les hommes contemplant le travail. Samedi et lundi, la Croix Rouge nous ont laissé tomber et on a donc pu compté seulement sur 2 volontaires d'ICDC, une dizaine d'enfants, quelques femmes et 2-3 hommes. Enfin, aujourd'hui, mardi, 20 volontaires de la Croix Rouge devaient venir mais seulement 8 ont finalement pointé leur nez.
Un grave accident arriva mardi dernier avec un des camions poubelles. Un volontaire de Tatalon est mort suite à une hémorragie, écrasé par un battant de la benne du camion poubelle. Cette mort nous a profondément affecté. Notre rêve se transforme en cauchemar. A-t-on assez établi de normes de sécurité ? Que peut-on faire suite à ça ? On voulait aider les gens et on en tue. On voulait arrêter le travail pour un temps en hommage et organiser quelque chose en sa mémoire. Mais en même temps, on voulait continuer le nettoyage de la zone, les tas d'ordures s'agrandissant de jour en jour et les maladies se propageant très rapidement dans le quartier. Les Philippins quant à eux ont improvisé une messe juste après l'accident, et ont continué le travail. La culture autour de la mort est complètement différente. Je pense que la forte importance de la religion y est pour quelque chose, la culture du pays également.
Cet homme avait 29 ans.Il part, sa femme reste, avec 2 enfants, un bébé de 3 mois et une fille de 3 ans. Elle a également perdu son commerce suite aux inondations. Vendredi soir, durant la distribution de la nourriture et d'eau, sa mère faisait parti des personnes les plus pauvres, autorisées à recevoir notre aide alimentaire. La misère au sein de la misère. Profond désespoir pour cette famille. Profond malaise pour nous.
Aussi, à la suite du typhon et des maladies qui se propagent, 4 enfants sont morts de la diarrhée et un de la Dengue, sans qu'on ait pu intervenir. On arrive trop tard pour eux. On fait ainsi tout notre possible pour aider ceux encore en vie: On a démarré notre distribution de nourriture et d'eau jeudi dernier: 400 familles d'environ 7 personnes approvisionnées pour 3 jours. On a également démarré notre action médicale jeudi dernier. On a réussi à faire venir 5 docteurs et 4 infirmières pour des consultations et des médicaments gratuits pour les grands cas d'urgence et les enfants de 0 à 5 ans ; 85 enfants pris en charge. Vendredi, nouvelle action médicale, 4 docteurs et 5 infirmières. Environ 115 personnes de tout âge repartant avec un diagnostique et des médicaments. Aujourd'hui; un seul docteur de la croix rouge et 7 infirmiers et infirmières volontaires. 120 patients traités. Des cas de grande fièvre, jusqu'à 40°, des diarrhées, la tuberculose, toux, rhum, grosses coupures, infections, gangrène...
Vendredi matin, une gamine de 2ans arrive dans notre centre médicale avec une vilaine blessure à la tempe ; elle a joué avec un couteau, est tombée et se l'est enfoncé, un peu, dans la tête. Les médecins l'ont pris en charge mais des éclats de métal du couteau étaient toujours coincés dedans. Elle est donc repartie avec ces parents, tout simplement, avec des bouts de couteau dans la tempe. Normal. Pas d'argent, pas d'hôpital. On a ensuite pensé lui payer l'hôpital et on a donc demandé à Ate Zény, la "chef" d'ICDC de voir si c'était possible mais il n'y a toujours pas de suite à cela.
Ce projet, m'apparaissant fou au départ mais la révolte et la volonté d'aider des personnes dans un grand besoin m'ayant fait foncer, m'a permi de ressentir des sentiments jusqu'alors jamais ressentis aussi forts et aussi entremêlés. Chaque jour, des apprentissages, des découvertes, des rencontres. Entre rage, tristesse, dégoût, dépit et désespoir et curiosité, joie, rires, sourires et espoir. J'ai ressenti tout cela, je le ressens encore. J'ai pu le partager avec mes amis d'ici et avec les enfants, les hommes et les femmes que j'ai rencontré, dans les rues, dans les squats, sur les tas d'ordures, dans la boue, dans le riz pourri, dans l'attente d'un médecin où dans l'attente de nourriture et d'eau.
Vie et Mort s'entremêlent. Espoir et Désespoir s'entremêlent, et moi, avec toute mon innocence, je me retrouve au milieu, spectateur, dépassé par des forces externes et des pouvoirs tout puissants dominés par la soif d'argent et d'un pouvoir plus grand.
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